L'ENVOLEMENT
L’envolement ! Quel magnifique titre pour fait apparaitre un parcours nouveau, celui de pousser plus loin le sens de l’aventure. Le parcours de cette exposition de Michèle Tassi nous présente ainsi ce qui déborde de la toile, et nous prépare à recevoir l’expérience d’une traversée à laquelle la peintre nous convie.
Pour restituer ces formes qu’elle fait se mouvoir dans l’espace, l’artiste aura préparé la toile en en faisant celle d’un espace tramé et comme baigné de nuances aux couleurs vertes, mauves, marrons, jaunes issues d’une lumière diffuse. C’est de ce socle ou de ce tapis, que la peintre fait surgir les figures qu’elle crée devenues des empreintes et conçues pour apparaître et se lever. De ces corps, elle en fait des chorégraphies composées selon les toiles, notamment un embrasement, un solo, un duo, un ballet stellaire… Ici, peinture et geste plastique se matérialisent en une écriture, celle du corps dénudé qui se meut dans l’espace et le transcende. C’est alors qu’un espace autre peut se libérer devant nous et nous permettre de pénétrer dans un inconnu fait de ces présences qui semblent surgir de la matière même de la toile.
De la représentation de ces êtres se déploie soudain un monde inattendu, autre, et qui crée un espace ouvert où se dévoile l’ineffable nudité de l’être. Regardez les ces corps de matière ; voyez les s’animer dans l’élan ou la pesanteur étudiée ; ils se courbent, se rencontrent, s’amalgament pour finir par recréer voire rejouer les scènes ou les séquences d’une création qu’ils s’inventent. Tantôt, ils dessinent un champ flottant qui compose un nouveau corps social d’un ballet, tantôt ils se projettent dans l’espace et le transpercent. Translucides ou fait de matière selon les tableaux, ils pourraient encore figurer des apparitions surgies de nos mémoires enfouies.
Sous son regard, Michèle Tassi les convie pour leur faire vivre des métamorphoses et si ils nous attirent, piquent et aimante notre curiosité, c’est qu’ils semblent bien vivants et d’autant plus vibrants, précisément parce que saisis dans l’origine même de leur re-création. Et puis, on pourrait tout aussi bien les incorporer dans une fable, à moins que l’Histoire ne les fasse palpiter au travers d’une « gestique » qui ouvre à l’atemporalité du corps traversé ? A moins aussi que la scène qu’ils représentent doive porter immuablement ces corps façonnés par la transe, l’équilibre et le déséquilibre quand se créent ou se recréent des espaces d’ouvertures et d’éveil libérant le geste et l’impulsion de l’instant.
Ainsi, ce que nous donne à voir fortement MichèleTassi dans ces représentations du corps en mouvement englobe non seulement ces corps anonymes, ces corps de matière, de glaise et de lumière, mais aussi restitue un corps nouveau, un corps défait de ses vains oripeaux, un corps qui s’évade, s’élance et nous fait voir précisément ce qui se dérobe à toute parole, à toute connaissance même, pour vivre un nouveau commencement, celui d’une nouvelle naissance où le parcours inédit s’apparente à celui de l’envolement telle que Michelle Tassi l’explore en le restituant par la forme picturale et qui fait lever ici l’essence même du corps transfiguré.
FLORENCE M.-FORSYTHE, AUTEUR.